La Russie est experte dans le contrôle des récits narratifs depuis bien longtemps. Après la révolution d’octobre 1917, le parti communiste avait dépensé une somme d’efforts incroyable pour justifier la révolution (qui était loin de faire l’unanimité) et unir le peuple. En bref, pour créer un récit dominant. Les célébrations d’octobre 1918 étaient d’une envergure sans pareil, l’ensemble des peuples bolchéviques était rassemblé à Moscou, et la nourriture était offerte gratuitement pour tous dans un air de fête et de musique rassembleur. Mais ce n’était encore rien comparé aux célébrations de 1920, lorsque 8000 acteurs rejouaient la prise du Palais d’Hiver devant plus de 100,000 spectateurs ébahis.
Il n’y a donc rien de surprenant à la lecture de la nouvelle que la Russie vient de créer une exposition sur la « victoire » russe dans la « guerre de libération » en Ossétie. Dans un musée de Moscou consacré aux exploits guerriers de la Russie, les visiteurs peuvent désormais admirer les trophées de guerre symbolisant la victoire de leur nation sur l' »envahisseur » géorgien, aidé par les puissances étrangères.
Qu’une telle exposition soit créée n’est pas une surprise. Qu’elle arrive aussi vite, et dans l’un des grands musées de Moscou, indique sans aucun doute la volonté du Kremlin d’établir et de contrôler un récit dominant de la guerre d’Ossétie. La Russie a en effet besoin d’un tel discours pour s’assurer le soutien populaire. Mais, plus largement, cette initiative s’inscrit dans un effort plus large et ininterrompu de Vladimir Poutine pour recréer un sentiment patriotique russe sans égal. Cet effort se ressent, notamment dans la campagne de propagande pour les jeux olympiques en Russie. Mais il était surtout visible lors de l’expédition russe pour aller planter un drapeau tricolore en titane sur le fonds de l’océan arctique.
Ces efforts patriotiques ont de quoi inquiéter. D’un point de vue national, il est évident que de tels efforts servent à maintenir l’unité d’un pays aux dimensions considérables, fragmenter par des populations aux ambitions indépendentistes, et bordé par d’anciens alliés devenus adversaires. Néanmoins, au niveau international, la Russie semble vouloir réveiller ses grandes ambitions. Dès lors, l’ensemble de ces efforts narratifs doit être vu comme un instrument pour assurer à la Russie le moyen de ses ambitions via la création d’un patriotisme à toutes épreuves.
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